INTERVIEW – ARTHUR PETRUCCI, EMBARQUEZ SUR LA MINI TRANSAT 2023

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Le 24 septembre 2023, Arthur Petrucci s’élancera pour la MiniTransat, une transatlantique en solitaire sans assistance et sans communication sur les plus petits bateaux de course au large (6,5 m). Découvrez son portrait. 

Originaire de Dordogne, Arthur Petrucci a vite pris la direction de l’Océan. Sauveteur en Mer, Plongeur et Skipper Professionnel, c’est à la suite d’une première saison de course au large avec l’équipage Jolokia, qu’il pose ses valises à Lorient en 2019. Plus gros port de course au large au monde il saisit sa chance et initie son projet : traverser l’atlantique en solitaire. Véritable école de la course au large, la Mini Transat prend son départ aux Sables d’Olonne et se termine en Guadeloupe.  Sur les plus petits bateaux de course au large : 6,5 mètres, ce n’est pas moins de 3 semaines de navigation et 4000 milles qui attendent les 90 skippers sélectionnés pour cette édition 2023.

SALUT ARTHUR, ON TE RETROUVERA AU DÉPART DE LA MINI TRANSAT 2023 DANS QUELQUES SEMAINES, QU’EST-CE QUI T’A POUSSÉ À TE LANCER DANS CE PROJET ? 

Dès mes 5 ans, j’avais dans ma chambre un poster de Michel Desjoyaux sur PRB et je rêvais de l’atlantique à la voile. Venant de Dordogne ce n’était pas une évidence. En 2017, j’ai eu l’occasion de faire des convoyages de catamarans neufs pour Bénéteau. J’ai notamment été embarqué sur un Lagoon de 62 pieds pour un convoyage jusqu’à Cuba. C’était assez dingue et après un mois de préparation et 1 mois et demi de navigation à cause des dépressions dans le Golfe de Gascogne, nous sommes arrivés à Ténérif. Je n’ai pas poursuivi. Il restait encore 24 à 28 jours de mer jusqu’à Cuba et pour la suite on embarquait 1500 L de pétrole. J’étais sur un voilier rempli de pétrole avec l’idée de préserver au maximum le bateau et donc de faire beaucoup tourner le moteur. Je n’avais pas envie de Trahir mon rêve de traverser l’atlantique à la voile. Traverser un Océan, ce n’est quand même pas rien, j’avais 22ans et je me suis dit : « un jour je traverserai l’atlantique à la voile et pourquoi pas en course ». La part de compétition me motive aussi. Il y a quelque chose de magique dans la course au large : il y a une énorme part d’imprévu et de surprise. Il peut y avoir de la casse, que ce soit mentale ou matérielle. Il peut aussi y avoir des choix de route complètement différents. Par exemple, sur la deuxième étape de la mini transat 2021, Arnaud Biston, avec son prototype numéro 551 (donc un très vieux bateau), après 5 jours, il était 1er de la course devant des bateaux neufs avec de très gros budgets (300 000 euros), c’est ça la magie de la MiniTransat  !

« un jour je traverserai l’atlantique à la voile et pourquoi pas en course ».

A L’ÉPOQUE COMMENT AS-TU PU ABORDER TON PROJET ?

Avant même de lancer mon projet perso, j’ai eu la chance de beaucoup naviguer avec Victor D’Ersu sur son mini. Ça m’a permis de savoir que j’adorais ça. Ensuite je me suis renseigné sur le coût et le lieu. Mon gros souci, c’était que je n’avais pas de ressources financières et un projet comme celui-ci c’est le coût d’une petite maison (autour de 100 000 euros) et ça c’était compliqué. Ensuite il a fallu choisir entre Prototype ou Série (homogénéité de la flotte). Je connaissais le coach de Lorient (Tanguy Le Glatin) et il a pu m’aider à choisir. En effet, il y a deux catégories pour la mini transat. En prototype, on peut 

créer le bateau qu’on veut tant qu’il tient dans une boite de 6,50 m x 3 m x 12 m de tirant d’air x 1,8 m de fond. Il y a une variété de bateau énorme, certains volent sur des foils et d’autres ont des étraves pointues, à l’ancienne. En proto, il y a beaucoup plus de recherche technique, il y a de la casse, il y a un côté expérimentation. En bateau de série c’est plus orienter sur le temps de navigation. Les bateaux sont moins au chantier et moi c’est ce que je voulais : avoir du temps de navigation.
J’adore le côté technique mais je voulais vraiment naviguer sur ce projet.

QUELLE PLACE A LA MINI TRANSAT DANS LE MILIEU DE LA COURSE AU LARGE ?

Ça dépend du projet de chacun. C’est quand même une préparation. Pour moi, c’était surtout l’an passé. J’ai fait toutes les régates, plus de 4 000 milles en 5 mois à la voile, en allant en méditerranée, deux fois en mer d’Irlande puis le long de la côte atlantique et aux Açores. C’est là où j’ai appris énormément. On chope des compétences sur la gestion et de l’autonomie sur son bateau. Donc c’est aussi une porte sur de futur projets à la voile.

TU NOUS AS DIT AVOIR EU DU MAL A RENTRER DANS TES FRAIS, JE CROIS SAVOIR QUE TU ES ENCORE EN RECHERCHE DE FINANCEMENT POUR POUVOIR PARTIR DANS LES MEILLEURS CONDITONS. COMMENT ON FINANCE UN TEL PROJET ?

C’est un projet entrepreneurial, donc il faut monter une asso ou une entreprise pour acheter le bateau. Dans mon cas, c’est un Leasing, d’autres arrivent déjà avec un sponsor ou la famille qui aide derrière. C’est un projet de plus de 3 ans qui commence par aller travailler et accumuler des ressources financières ainsi que des droits au chômage (qui en réalité est le principal sponsor de la mini transat, je ne suis pas le seul à la dire, haha). Depuis peu, des entreprises de mon village natal me suivent dans l’aventure, et j’ai dernièrement eu la chance de parrainer l’association les P’tits Doudou du Scorff.

 

En parallèle, je travaille en tant que préparateur pour d’autres bateaux de course. La course au large à Lorient est en plein expansion et il y a du travail. Les gros projets comme les Class 40 ou Imoca (bateau type du Vendée Globe), cherchent du monde. Il y a un besoin de main d’œuvre et plus particulièrement de main d’œuvre qualifiée. En 2019, j’ai fait la formation de Préparateur de voilier de course au large et de grande plaisance proposée par la Région. Ça m’aide à financer mon projet mais ce qui m’a motivé à me lancer dans cette formation, c’est qu’il y a énormément de compétences professionnelles à avoir pour bien préparer la mini. Pour mon projet j’avais envie d’arriver sur un bateau propre et carré.

TU PEUX NOUS EN DIRE PLUS SUR TON MÉTIER DE PRÉPARATEUR ?

« le gréement courant est ma spécialité et celle à laquelle je continue d’aspirer. »

Je suis gréeur Mateloteur, mon métier c’est d’assembler et de choisir la caractéristique des cordages. Lorsque je suis rentré chez Jolokia, J’ai eu la chance de rencontrer Philippe Fouchet qui est une référence dans la préparation de bateau. Au début je faisais des petites bricoles puis j’ai pu m’initier à des choses plus techniques. Ce qui est génial c’est qu’aujourd’hui je suis amené à travailler de temps en temps avec lui chez Iroise Rigging (Entreprise Experte en gréement). Il y a le gréement courant et dormant. Le dormant c’est tout ce qui ne bouge pas, le mat, les câbles et les espars (par exemple la bôme, tangon, …). L’autre partie c’est le gréement courant qui est ma spécialité et celle à laquelle je continue d’aspirer. C’est tout ce qui court à travers le bateau donc tous les cordages. Aujourd’hui les bateaux volent et certains cordages portent plus de 2 fois le poids du bateau. C’est un métier physique, technique, artisanal, et artistique un peu aussi.

Il y a pleins de type de cordages, d’âme et de gaine, et notre travail c’est de faire les meilleurs choix par rapport aux contraintes qu’ils vont subir. Que ce soit par rapport aux charges de ruptures, à l’élongation, à l’échauffement ou encore à la couleur. Il y a encore plein de chose à faire, les bateaux évoluent et les cordages aussi. Ensuite lorsque l’on a choisit le cordage, c’est juste une bobine, et sur ces bateaux on essaye de faire au minimum, voir aucun nœud. Les nœuds divisent par 2 la charge de rupture d’un cordage. Mon travail c’est donc de faire des épissures ou des loops. C’est à dire rentrer le boute dans lui-même pour maintenir ses propriétés de résistance. On arrive sur des choses très techniques dans la réflexion et la production artisanale.

TU TRAVAILLES ET RÉFLÉCHIS AUX GRÉEMENTS DES  MEILLEURS VOILEIRS  DE COURSE AU LARGE COMME LES IMOCA,  J’IMAGINE QUE C’EST UNE PLUS VALUE POUR TOI, QU’EST-CE QUE TU EN RETIRES POUR TON PROJET MINI ?

C’est sûr, on va dire qu’il n’y a pas de problème sur la partie gréement de Maxi Mousse (mon mini), mais j’ai aussi essayé de me limiter à pas trop en faire non plus. Pour mon mini on m’a parfois reproché d’être trop dans le détail, et en fait l’important c’est d’aller naviguer. Je suis passionné par le gréement des bateaux et travailler avec des experts comme Eric Cochet et Jacques Lanier, c’est une grande chance.

APRÈS CES 3 ANNÉES DE PRÉPARATION, D’APPRENTISSAGE ET D’EXPÉRIENCE, QU’ELLE EST TON AMBITION POUR CETTE MINI TRANSAT 2023 ?

Sur la MiniTransat, les ambitions oscillent entre 2 pôles. Soit un projet 100% compétitif avec l’objectif de tout gagner, ou un projet 100% aventure (avec aucune ambition de résultat) et il y a beaucoup de monde qui se situe entre les deux. Pour ma part je me situe plus dans la version compétition, j’ai le meilleur bateau de série actuel avec une carène scow, et de nouvelles voiles arrivent pour la transatlantique. Même si le backup financier cette année est un peu plus faible que d’autres, j’ai toutes mes chances de compétitions.
Mon ambition c’est surtout de traverser l’atlantique. Comme le dit Tanguy Leglatin (le coach), et je fais fis de cette maxime : « Le projet de la mini transat c’est d’être au départ de la mini transat« . Par exemple, Victor D’Ersu, au large du Portugal se fait taper par un pécheur ce qui l’oblige

à abandonner. Il y a eu un très bon article dans voile et voilier là-dessus avec cette question : est ce qu’il a fait une MiniTransat en ne traversant pas l’atlantique ? Oui, la MiniTransat, c’est toute la préparation. Traverser c’est du plus, et le coach le dit, à partir de la ligne de départ, c’est du positif, y a plus qu’à prendre tout ce qu’il y a à prendre. C’est des projets durs, moi j’ai fini 3 fois à l’hôpital, donc l’objectif c’est de traverser l’atlantique et le coté compétitif c’est du plus, que du positif.

Maxi Mousse

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